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Harmonie en
duo

Musiciens talentueux
et pédagogues avertis,
Stéphanie Blanc
et Jérôme Levatois
dirigent les répétitions
hebdomadaires destinées
aux nouveaux venus.

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Qui sait ce que les Voisins du dessus seraient devenus sans eux ? Un groupe pléthorique, hétéroclite et chaotique étouffant peu à peu un Jean-Marie Leau submergé par le nombre ? Ou un cercle fermé d’anciens à la voix bientôt chevrotante ressassant à l’envi les souvenirs des premières Gaîté et des voyages en Russie? Trêve de science-fiction, la chorale se porte très bien, merci. Et c’est en grande partie grâce à eux. Stéphanie Blanc et Jérôme Levatois assument la tâche cruciale (dont s’acquittaient avant eux Valérie Perrin, Agnès Brabo et Khalid K) d’accueillir les nouvelles recrues et de leur apprendre le répertoire. Ainsi, il y a toujours du sang neuf et de l’air frais qui circule au sein du groupe. L’une est premier prix de guitare au conservatoire de Boulogne-Billancourt, l’autre instrumentiste multicarte (guitare, basse, percussions), tous deux sont d’excellents techniciens. Mais ce sont aussi des pédagogues de premier ordre. Avec eux, les nouveaux venus apprennent qu’on chante avec son corps ; que la gorge serrée, les épaules haussées, les mâchoires crispées et le ventre noué sont les pires ennemis de la voix; que pour sortir un son il faut ouvrir la bouche (ce n’est pas évident pour tout le monde) ; que pour tenir une note il faut penser qu’on chante plus haut ; que couper ses fins de phrases vaut mieux que de se retrouver «à la cave» ; que là c’est un do et pas un do dièse; qu’ici ce sont des croches et pas des doubles croches ; qu’on ne fait pas la liaison dans cette phrase mais qu’on la fait dans cette autre ; qu’une note a aussi une texture (Jérôme: «Une même note peut ressembler à un rideau de voile ou à un double-rideau bien épais, ça n’évoque pas les mêmes choses.»). Bref, les nouveaux font leurs armes dans le souci de la précision, de la note juste et du rythme respecté. Dis comme ça, ça a un petit côté militaire guère engageant. Sauf que les duettistes ne sont pas seulement rigoureux et exigeants, ils sont aussi ouverts, accueillants, souriants et ils ne dédaignent pas, à l’occasion, de faire les pitres comme des gamins, de s’entraîner l’un l’autre dans des improvisations délirantes et de rivaliser de jeux de mots plus ou moins subtils. Bref, leur répétition est aussi un moment de plaisir et si l’usage des zygomatiques y est autorisé, voire encouragé, ce n’est pas seulement parce que ça détend et que c’est bon pour la qualité du son. Voilà au moins un point commun entre les séances dirigées par Jean-Marie Leau et celles qu’ils encadrent. Pour le reste, les approches sont plutôt dissemblables. «Ils ne gèrent pas de la même façon leurs répétitions: eux apportent de la rigueur, le sens du détail, remarque Stéphanie Prot. Alors que Jean-Marie va partir dans une idée globale d’arrangement, il peut imaginer d’autres voies que celles qu’on a toujours suivies, recaler des choses… C’est très enrichissant d’avoir les deux approches. Ce sont deux univers différents.» «Jérôme et Stéphanie sont plus rigoureux, ils apprennent les chansons telles qu’on devrait tous les apprendre, renchérit Sylvie Lahuppe. Alors que Jean-Marie va davantage s’attacher à l’interprétation, au rendu, il faut que ça sonne à son oreille. Dans un monde idéal, il faudrait que tout le monde apprenne avec Stéphanie et Jérôme et ensuite répète avec Jean-Marie Quant à Florent Chevolleau, il se dit «toujours épaté de la capacité qu’ils ont à mettre le doigt sur des subtilités musicales et à les enseigner. Ils apportent toujours leur richesse de musiciens et de pédagogues différents.» Richesse musicale appréciée

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Stéphanie Blanc : «J’AI QUELQUE CHOSE À FAIRE LÀ-DEDANS»

«J’ai une formation de guitare classique au conservatoire, puis j’ai fait un an de jazz. Au printemps 1997, j’ai rencontré une journaliste de Radio France qui faisait un reportage sur mon école de jazz. Elle venait d’en faire un sur les Voisins et savait qu’ils cherchaient un guitariste. Lors d’une soirée, elle m’avait présenté Élie Abécéra. Coïncidence, je connaissais la chorale, car j’étais allée au Bal moderne quelques mois auparavant. D’ailleurs, alors que je venais pour la danse, c’est la chorale qui m’avait davantage emballée cette année-là. En guise d’audition, j’ai accompagné une répétition, rue Saint Roch. J’avais un très bon niveau technique mais j’étais complètement nulle en rythmique. J’adoptais l’attitude du classiqueux : tu parles pas, tu attends qu’on te dise de jouer. Ce qui ne correspondait pas vraiment à ce qu’on attendait de moi !

Mais je m’en suis tout de même bien tirée et on m’a proposé d’accompagner les ateliers pendant les concerts à la Gaîté. On était quatre musiciens : Jean-Marie, un autre guitariste, Sylvain Maillard, qui ne venait qu’aux concerts, lui aussi, Khalid aux percussions et moi. J’ai bien aimé la vivacité de la chorale, son dynamisme, son côté bon enfant sans être scout et, bien sûr, sa vraie spécificité, le fait de faire chanter le public. Cela dit, ce n’était pas mon univers, j’étais davantage attirée par la chanson à texte, moins festive. Mais je me souviens qu’au bout de six mois, j’ai dit à ma mère : “C’est pas trop mon truc mais je sais que j’ai quelque chose à faire là-dedans, je sens que ça peut m’apporter quelque chose.” C’était vraiment une impression qui s’imposait, et c’est assez rare que ça m’arrive. Après avoir accompagné les répétitions du lundi menées par Jean-Marie, j’ai pris en main celles du mercredi. L’année suivante ce sont Agnès Brabo et Jérôme qui m’ont remplacée puis, Agnès étant partie, je suis revenue pour travailler avec Jérôme. Au départ, c’est moi qui gérais, il accompagnait seulement, puis je lui ai dit qu’il allait finir par s’ennuyer et, depuis, on est chefs de choeur en duo. On n’a pas du tout les mêmes méthodes de travail : moi j’écris pour préciser vraiment à fond, j’ai même commencé à écrire les partitions avec un logiciel acheté par l’association ; Jérôme écoute et fait confiance à sa mémoire. Lui et moi, on n’apporte pas tout à fait la même chose. Je suis plus sur une vision d’ensemble et lui peaufine les détails. Par rapport à Jean- Marie, on apporte une qualité technique et vocale et de la précision. Son point fort à lui, c’est l’interprétation et la tonicité du groupe et nous, on va travailler pour chaque mot sur la justesse, la respiration, la rythmique. On a pris là où il nous laissait de la place et on a développé ce qui manquait. Si je suis restée aux Voisins c’est pour le côté humain : c’est agréable de se retrouver avec des gens qui sont émerveillés par les expériences qu’ils vivent, à l’opposé du côté blasé de certains professionnels. Même à la fin d’une simple répétition, les choristes sont heureux. C’est la première chose qui m’a frappée lors des concerts à la Gaîté : les spectateurs sortent avec la banane, mais vraiment ! Et je me suis dit c’est génial, c’est pour ça qu’on fait de la musique !»

aussi par ceux qui les ont connus simples accompagnateurs, à l’instar de Gérard Abadjian. «Ils n’étaient que guitaristes à mon époque. Mais ce sont de vrais professionnels, ils sont très bons. On était amateurs et sont arrivés, à un moment, dans le groupe, des gens qui passaient leur vie à ça, on était ravis. C’est comme quelqu’un qui joue au foot dans son club de quartier et à qui, tout à coup, on présente Ronaldo. C’était d’autant plus appréciable que tous deux sont de belles personnes.»

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JÉRÔME LEVATOIS : «J’APPRÉCIE LE CÔTÉ HUMAIN»

«Au printemps 2000, je suis venu avec mon père assister à une répétition. Lui voulait chanter, moi pas du tout, mais on savait que la chorale cherchait vaguement un guitariste supplémentaire. Jusqu’alors, j’avais gagné ma vie avec des boulots alimentaires mais je voulais vraiment faire de la musique. Mis à part un passage rapide au conservatoire et quelques cours pris avec un ami de mon frère, j’avais appris en autodidacte mais je travaillais vraiment beaucoup. Je ne faisais que ça. Je n’avais pas fait grand-chose à l’école mais la guitare ça a été une révélation. Cela dit, j’osais à peine jouer devant des gens, car j’étais très timide, très introverti, je grattouillais dans mon coin en me cachant derrière mes cheveux, que je portais très longs, cherchant à faire le moins de bruit possible. En plus, je n’écoutais que du rock anglais ou américain, quelques rares artistes français genre Le Forestier, mais la chanson française ce n’était pas du tout ma culture. Donc je n’avais pas vraiment de raisons de devenir guitariste aux Voisins. Cela dit, cette première répétition m’a bien plu et je suis rapidement allé voir un concert à la Gaîté. L’image qui m’a marqué à l’époque, c’est celle d’une dame âgée avec un sourire jusqu’aux oreilles et une posture très drôle. C’était Liliane. Lors de l’atelier, je n’étais pas à l’aise, j’avais plutôt envie de rester dans mon coin, mais finalement j’avais vraiment passé un bon moment, super-convivial. À la répétition suivante, j’étais là avec ma guitare. Je me suis intégré doucement. Quelques mois après, je montais pour la première fois sur une vraie scène, à la Cigale, avec Zazie. J’étais à la guitare électrique avec un pédalier qui permettait plein d’effets, Jean-Marie était au piano, Stéphanie à la guitare sèche, Élie aux percussions, c’était royal ! C’est quand Agnès Brabo est partie qu’on a pris en charge, avec Stéphanie, les répétitions du mercredi. C’est idéal d’être deux, ça tourne bien entre nous au niveau de l’analyse et de la pédagogie. On peut avoir du recul quand l’autre a pris les choses en main, il faut le laisser aller jusqu’au bout : on peut être sceptique au départ et puis, finalement, être agréablement surpris, ou au contraire n’être pas convaincu et proposer autre chose. Selon les moments, chacun se focalise sur des points différents, le rythme, la justesse ou la texture. Pour moi, ça a été très formateur de devenir chef de choeur. Surtout, j’apprécie le côté humain et, notamment, le fait de faire participer le public, je trouve ça génial, c’est très enrichissant, ce partage.»