Lointains
voisins
Lointains
voisins
Dans un village des Landes,
pour les besoins d’une émission
télévisée, “Le choeur du village”,
Jean-Marie Leau a mis sur pied
en quelques mois un choeur
d’amateurs sur le modèle
des Voisins du dessus.
À l’automne 2012, deux producteurs de télévision, Christian Gerin (17 juin) et Jean-Baptiste Jouy (Step by step) proposent à Jean-Marie Leau de participer à une émission d’un genre nouveau, le docu-feuilleton. Il s’agit de suivre les habitants d’un village landais, Peyrehorade, qui se mobilisent pour réhabiliter les anciens abattoirs afin de les transformer en école de musique. Une partie de ces bénévoles oeuvre sur le chantier, l’autre s’investit dans un choeur qui donne des concerts dont les recettes servent à acheter le matériel nécessaire. Parti de rien, Jean-Marie Leau parvient, en quatre mois, à monter une chorale qui se produira à plusieurs reprises, notamment avec une chanteuse basque renommée, Anne Etchegoyen, et Patrick Fiori. Chantal Gelez, chef du choeur local Orth’en sol, très impliquée dans le projet, nous livre son témoignage. «J’ai vu Jean-Marie pour la première fois à la mairie quand l’équipe de production nous a présenté le projet du Choeur du village. Mais il n’a pas parlé, il était vraiment dans l’observation et dans l’écoute, très discret, en retrait. J’avais l’impression qu’il cherchait à cerner la situation et à voir avec qui il allait travailler. Le village compte quatre sociétés musicales avec une histoire compliquée, donc il a compris d’emblée que ça n’allait pas être si simple que ça. Puis il a assisté à des répétitions, toujours pour observer, se déplaçant d’un pupitre à l’autre. Il est sensible aux mimiques, à l’expression des gens, c’est aussi ça qu’il guettait, ce que le visage exprime de la personnalité. D’ailleurs, lorsqu’il a fait passer des auditions, certains n’osaient pas chanter devant lui, il leur demandait de raconter quelque chose: ce qui l’intéressait c’était le côté humain, ce qu’il y avait derrière la voix.
Ensuite, l’équipe de production a appelé
certaines personnes pour dire qu’elle était
intéressée par leur candidature. Il y avait des
gens des quatre sociétés musicales mais aussi
d’autres que Jean-Marie avait simplement
repérés dans la rue. Je suis redevenue simple
choriste, ce qui m’a beaucoup plu, car je
cherchais à voir ce que je pouvais apprendre
avec lui. Techniquement, vocalement, je n’ai
rien appris de plus, mais son observation et son
analyse fine des gens m’ont épatée. Moi-même,
j’ai une approche très sensible des partitions,
des choristes, du public, et j’ai retrouvé ce
même respect. Il sait mettre en valeur ce qu’il y
a de beau humainement chez chacun. Dans la
prestation, il joue toujours la bonne corde, va
s’appuyer sur une qualité qu’un autre n’aurait
pas remarquée ou, au contraire, déstabiliser
les gens, les prendre à contre-emploi. Et comme
il s’intéresse beaucoup à l’histoire des individus,
à ce qu’ils sont, il trouve toujours à tirer
le meilleur d’eux et il le fait avec un instinct
étonnant.
Lorsque les Voisins du dessus sont venus
à Peyrehorade, je les ai trouvés très vivants,
dans l’échange et dans la proximité, très
expressifs. Et puis c’est original, chez nous on a
l’habitude de prestations plus conventionnelles.
En revanche, nous avons un point commun,
c’est qu’à Orth’en sol aussi on fait toujours chanter le public.
Notre répertoire lui est
souvent familier, ce sont des chants basques
et occitans et de la chanson française style
guinguette ou plus actuelle. Pour moi c’est
essentiel, ce contact avec les spectateurs.
Chanter c’est avant tout du partage. Si on ne va
pas vers le public et si on ne réussit pas à
l’amener à nous, ça ne rime à rien. Il y a des
chorales qui chantent très bien mais il ne se
passe rien, on ne reçoit rien, je repars toujours
frustrée, ça a beau être impeccable, il n’y a pas
de communication. Je me suis retrouvée dans
les conceptions du spectacle et les conceptions
humaines de Jean-Marie. J’ai côtoyé des gens
très pointilleux sur le solfège, moi je ne suis pas
un as de la musique, ce qui m’importe c’est
l’interprétation: on chante juste mais je ne vais
pas me froisser pour un quart de ton. Jean-
Marie, lui aussi, quand quelqu’un faisait une
remarque très pointue sur le solfège, préférait
se concentrer sur le rendu. Je me suis dit
que je n’avais pas tout à fait tort.
Tous les choristes gardent un très bon
souvenir de cette aventure. C’était un tour de
force de la part de Jean-Marie: les Gascons sont
têtus et les Basques aussi. Au départ le projet
crée des tensions au niveau de l’attribution de
la salle donc c’est compliqué. Et lui va chercher
des chanteurs de troisième mi-temps, des gens
qui se sont longtemps demandés où il voulait
les amener et puis la sauce a pris. Quand on lui
a écrit une chanson, juste avant son départ,
on était en colère que ça soit filmé. On voulait
vraiment que ce soit un moment intime parce
que ça venait du fond du coeur, on tenait
sincèrement à lui dire tout le bien qu’on pensait
de lui. C’était vraiment une belle rencontre.»