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Variété de
concerts

Un jour à l’Olympia,
le lendemain à la Fête de la
Madelon à Fontenay-sous-
bois, les Voisins prennent
leur plaisir où ils le trouvent :
dans des lieux aussi variés
qu’inattendus.

Longue comme un jour sans musique, la liste des concerts donnés par les Voisins du dessus en vingt ans frappe par son éclectisme. Quoi de commun entre le Casino de Paris et les fêtes de quartier au public clairsemé ; entre l’exigence artistique de Valère Novarina et la reprise, dans un moment d’égarement de Chérie je t’aime ou Fais-moi du couscous ? Sans doute le désir inextinguible de chanter ensemble et de partager son plaisir avec le public, quelles que soient les circonstances. À y regarder de plus près, on trouve quand même quelques constantes dans ce parcours en zigzag. Par exemple, le fait que, l’air de rien, sans tambour ni trompettes, les Voisins ne rechignent jamais à donner un peu de leur temps pour la bonne cause. On ne compte plus les associations pour lesquelles ils ont chanté, de la confidentielle Pauline à New York (fondée pour permettre à une petite fille malade de se faire soigner aux États-Unis) au Téléthon, en passant par les Restos du coeur, Rêves, Sol en Si, l’association Laurette Fugain, La Clairière, Autisme France, ELA, l’Association de l’ostéogénèse imparfaite ou encore Dessine-moi un mouton qui vient en aide aux familles touchées par le virus du sida. Lors du concert donné à son profit à la Cigale, en septembre 2000, les spectateurs venus applaudir Vincent Baguian et les Voisins du dessus ont

L’atelier, c’est le nom donné par les Voisins du dessus à la chanson que le public est invité à chanter. Les spectateurs sont répartis en groupes qui apprennent différentes voix puis réunis pour interpréter la chanson, sur scène pour ceux qui le souhaitent.

la surprise de voir apparaître Zazie. C’est sa chanson Je, tu, ils qui fait l’objet d’un atelier un peu particulier où le public apprend sous la houlette d’une prof consacrée deux ans auparavant par les Victoires de la musique dans la catégorie “interprète de l’année”. Logiquement, la chorale est aussi à l’affiche du concert célébrant le centenaire de la loi de 1901, aux côtés de Yann Tiersen, Java ou encore Jacques Higelin. Autre constante, les Voisins aiment bien aller voir ailleurs s’ils y sont. Ailleurs que dans les salles de spectacle, s’entend. Par exemple dans les kiosques à musique : «En 1997, Jean-Marie nous a dit: il y en a plein dans Paris qui sont toujours vides, c’est dommage, investissons les lieux», explique Valérie Perrin. Résultat mitigé selon Gérard Abadjian : «Le son est mauvais, on n’a aucun retour, les gens ne s’arrêtent pas forcément, c’est compliqué. Mais, nous, on était contents de se retrouver pour chanter ensemble.» Tellement contents qu’ils mettent la barre encore plus haut en se produisant dans la gare de Tours , puis dans celle de Lille.

Vincent Baguian est un chanteur français auteur de quatre albums solo et coauteur des chansons des comédies musicales “Sol en Cirque” (avec Jean-Marie Leau et Zazie) et “Mozart, l’opéra rock”.

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image non disponible Valérie Perrin : «Malgré le bruit, le son qui se barrait dans tous les sens, les minutes comptées, on s’est investis à fond. Les gens s’arrêtaient volontiers.» La rumeur veut que plusieurs aient raté leur train. En revanche, personne n’a raté son avion pour le plaisir d’écouter les Voisins qui avaient eu la bonne idée de célébrer la fête de la musique dans un terminal à Roissy.
«Chanter pour des gens qui partent aux États- Unis, qui pour la plupart ne reviendront jamais et qui ne comprennent pas les paroles, non seulement parce que ce n’est pas leur langue mais parce que l’acoustique est déplorable, c’est un grand moment de solitude», sourit Sylvie Lahuppe. Cela dit, il y a pire acoustique que celle d’un aéroport. Dieu sait qui a eu l’idée saugrenue, un 21 juin toujours, d’aller chanter au bord des bassins de la piscine Champerret? Les Voisins font leur numéro sous le regard ahuri des baigneurs. L’histoire retiendra que quelques-uns ont fini dans l’eau en petite tenue. Jamais expérimentée en revanche, la baignade dans le canal Saint-Martin à l’issue du festival Voix sur berges organisé tous les derniers dimanches de juin. Les Voisins y sont fidèles depuis une bonne dizaine d’années. «La deuxième édition où on était présents, Jean-Marie n’était pas là et on passait juste après L’Écho râleur, une chorale rock pleine d’énergie, très appréciée, raconte Stéphanie Blanc. Les choristes étaient morts de trouille, ils avaient peur de ne pas assurer. Avec Élie, on leur a dit “faites-nous confiance”, on a décidé d’y aller à fond, de tout balancer et on a cassé la baraque en partant directement au milieu du public, c’était génial!» Jérôme Levatois, sur la même longueur d’ondes : «Là où je préfère les Voisins c’est dans la rue. C’est vraiment notre esprit ces prestations sans fioritures, cette proximité avec tout le monde, avec le quidam qui passe et qui n’a pas eu besoin de payer sa place.» Quant à Jean-Marie Leau, il accueille tout avec bonheur, sans distinction : «De tous ces concerts, je retiens que ce qui est le plus intéressant, c’est le fait d’être passé de manière aussi indifférenciée d’un marché de Noël à la salle Gaveau en passant par le Châtelet ou des fêtes de quartier, ce trajet en montagnes russes du plus anodin au plus image non disponible prestigieux, tout cela en n’oubliant jamais qu’on n’est pas là pour s’approprier ces scènes mais pour proposer au public de les partager.» Parmi ces innombrables concerts, quelques-uns ont davantage marqué les esprits. Florilège. LA GAÎTÉ : DES ANNÉES
DE COMPLICITÉ
À la Gaîté Montparnasse, les Voisins se sentent un peu comme à la maison. Et pour cause, ils se sont produits près de soixante-

dix fois dans cette salle (qui fut à l’origine un café-concert) depuis qu’en 1997, Louis-Michel Colla, son directeur, et Jean-Marie Leau ont inventé la consommation collaborative avant l’heure. «Avec quelques choristes, nous avons repeint les couloirs, changé la moquette et, en échange, Louis-Michel Colla nous a ouvert gracieusement la salle les dimanches en fin d’après-midi», sourit Valérie Perrin. La chorale s’accommode du décor de la pièce jouée en matinée ou s’installe carrément devant le rideau pour proposer chaque semaine «le spectacle le moins cher de Paris», selon Vincent Mouluquet. «C’était tout de suite après le Bal moderne, on avait fait l’apprentissage de la transmission et c’est cette envie qui nous animait. On chantait quelques chansons seulement et on en apprenait plusieurs au public. Au début, c’était facile parce qu’on n’avait pas eu le temps de faire de la pub et il y avait presque plus de personnes sur scène que dans la salle! Mais petit à petit, on a bénéficié d’un bouche à oreille phénoménal et on affichait complet ou presque chaque dimanche. On a commencé à se répartir entre l’orchestre et la corbeille pour apprendre les différentes voix aux spectateurs qui, ensuite, montaient sur scène. On avait plaisir à casser les barrières.» C’est sur cette énergie et ce sens du partage que la proposition fonctionne: les spectateurs viennent avant tout passer un bon moment, car le rendu est plutôt artisanal, se souvient Raymonde Jassaud.

Mémoires privées de télé
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S’il fallait une preuve que le partage avec le public est la raison d’être des Voisins, on pourrait la trouver dans l’évocation de leurs souvenirs. Quand on les interroge sur les moments marquants qu’ils retiennent des années passées dans cette chorale, très rares sont ceux qui parlent des émissions télévisées. Ce n’est pourtant pas rien, pour un amateur, de connaître son quart d’heure de célébrité sur le plateau de Drucker , de Ruquier ou d’Isabelle Giordano ! Mais ces moments sans réel échange ne laissent que peu de traces dans les mémoires. À l’exception, peut-être, de cette émission de TF1 où quelques choristes ont chanté un extrait de la comédie musicale Le Roi Soleil déguisés en laquais (photo). En l’occurrence, c’est plutôt le cocasse de la situation qui a marqué les esprits.

«Ça m’est arrivé de monter sur scène sans savoir mes chansons parfaitement. On ne les travaillait pas comme aujourd’hui, tout ce que Jean-Marie nous demandait, c’était d’y mettre toute notre énergie, tout notre coeur. Il n’y avait pas de mise en scène, pas de costume, la seule consigne était de ne pas avoir de chaussures trouées si on était au premier rang!» Et ça marche puisque nombre de spectateurs, conquis par l’énergie et la bonne humeur des Voisins, frappent à la porte pour devenir choristes. Mais peu à peu le concept s’essouffle et les troupes se lassent : on passe à un spectacle par mois seulement, plus travaillé, émaillé d’intermèdes. Des musiciens en herbe désireux de faire leurs armes sur une scène réputée ou des invités comme François Bernheim ou Vincent Baguian interprètent quelques-uns de leurs titres. Des choristes chantent en solo ou duo des chansons écrites à leur intention, ou improvisent, comme Élie Abécéra et Khalid K d’étonnants mix de beat-box et d’opéra…

1998 ET 2001 : LES NUITS
DE LA VOIX

Chaque année, la Fondation France Télécom (aujourd’hui Fondation Orange) organise la Nuit de la voix pour permettre aux artistes qu’elle soutient de se produire dans une grande salle parisienne. En 1998, la salle en question n’est autre que l’Olympia et les Voisins sont de la fête, partageant la scène avec des formations aussi prestigieuses que le Choeur Accentus ou les Talens Lyriques. Patrick Zeff évoque «une émotion particulière. Tu te retrouves là, tu te souviens de Coquatrix, de tous ceux qui se sont succédé sur cette scène,

tu penses que tu mets tes pas dans les leurs…» Ceux dont le métier n’a rien à voir avec la scène, comme Gérard Abadjian, ont «la chance unique, pour un amateur, de se retrouver dans un lieu mythique avec des scénographes, des ingénieurs du son, des metteurs en scène, de se voir tout à coup ouvrir une porte totalement inattendue». Un plaisir mêlé de stress, pour Sylvie Lahuppe : «Dans ce genre de salle, devant 2000 spectateurs, on se sent un peu tout seul, tout nu. Mais quand on maîtrise bien ce qu’on chante, c’est magique. On a vécu ça à nouveau en 2001, toujours pour la Nuit de la voix, au théâtre du Châtelet, cette fois-ci. Un des moments les plus forts en émotion vécus en concert.» La soirée est donnée au profit des personnes autistes et les Voisins chantent à l’unisson avec le choeur de Turbulences, association réunissant des jeunes gens porteurs de ce trouble du développement, et avec tous les artistes à l’affiche ce soir-là. Yvan Cassar, Khalid K et Wasis Diop (voir ci-contre «premier bal de l’an 2000») les accompagnent le temps d’une chanson. Mais quelle chanson ! Turbulente rhapsodie , écrite pour l’occasion par Olivier Dague et arrangée par Jean-Marie Leau, est «le» titre du répertoire que nul ne peut écouter sans

Musicien multicarte, notamment pianiste, arrangeur et directeur musical, Yvan Cassar a collaboré avec de nombreux artistes (Nougaro, Hallyday, Mylène Farmer, Vangelis…). Il est aussi compositeur de bandes originales de films.

avoir la chair de poule. «Jouer ce morceau dans ces conditions et au théâtre du Châtelet, pour moi qui venais de la musique classique, c’était le bonheur !» confie Stéphanie Blanc.

JUIN 1999 : BACH
À SAINT-EUSTACHE

Pour un choeur, même composé d’amateurs, l’idée de chanter dans une église n’a rien de bien original. Sauf que ni la dégaine ni le répertoire des Voisins ne collent a priori avec l’atmosphère recueillie, les ors et les pompes d’un lieu de culte. Mais les a priori n’arrêtent pas Michel Reilhac, à l’époque directeur du Forum des images. Très lié au père Gérard Bénéteau, curé de l’église Saint-Eustache, toute proche du Forum, il le met en relation avec Jean-Marie Leau. Le prêtre organise dans différents lieux du quartier le festival Play Bach qui réunit de jeunes musiciens professionnels ou des amateurs éclairés. L’idée de transposer le concept des concerts voisinesques à l’église pour faire apprendre au public le Gloria du Magnificat de Bach est lancée par Raymonde Viret, professeur de chant de Jean-Marie. Qui l’accueille avec enthousiasme et sans a priori : «Je ne me suis pas dit “c’est pas évident”, je me suis dit “c’est ce que j’ai envie de faire”». Les choristes travaillent d’arrache-pied pendant des semaines : le répertoire lyrique n’est a priori pas dans leurs cordes, alors maîtriser une partition sur le bout des doigts de façon à l’apprendre au public…
Mais le résultat est là :

Raymonde Viret est une chanteuse et professeur de chant de nombreux artistes, dont Maxime Le Forestier, Renan Luce, Jacques Weber, François Morel…

«Il y avait dans l’église plusieurs centaines de personnes réparties en cinq voix, chacun dans son coin a répété sa partition avant que tout le monde chante en choeur, se souvient Gérard Bénéteau. Des gens qui n’étaient pas forcément amateurs de chant ni amateurs d’église ont participé. Moi qui aime Bach, j’ai trouvé ça à la fois beau et ludique. Je n’étais pas un curé très solennel, j’avais envie de mettre un peu de vie dans la maison. Quant à la philosophie des Voisins du dessus, nous étions sur la même longueur d’onde: mettre les gens en contact, favoriser le lien, c’est ce que j’ai toujours tenté de faire. J’avais une conception un peu “curé de village” de ma fonction, je connaissais tout le quartier. Dans le même esprit, lorsque l’immeuble de la rue Montorgueil, dont le terrain appartenait à la paroisse, a été réhabilité, je me suis battu pour qu’on y installe un centre social. C’est devenu le centre Cerise , un endroit sympa, accueillant.» Et lieu de répétition des Voisins. Sa page Facebook invite à «créer ce qui nous lie quand dans la vie tout nous sépare».

JANVIER 2000 : PREMIER BAL
DE L’AN 2000

À l’approche du changement de millénaire, les répliques de la secousse Bal moderne se font encore sentir. C’est la Cité de la musique qui reprend le flambeau

en organisant le Premier bal de l’an 2000 sous la houlette du chorégraphe José Montalvo, des Voisins du dessus et de Wasis Diop. «C’est Jean-Marie qui me l’a proposé, se souvient le chanteur sénégalais. C’est quelqu’un qui a une oreille curieuse, il aime une musique africaine très contemporaine, qui se glisse facilement dans le monde. Il a choisi deux chansons, Ramatu et Dramaan, issues de mon album Wasis sings Hyènes, bande originale d’un film sénégalais. Moi qui n’avais jamais participé au Bal moderne à Chaillot, j’étais très impatient de vivre cette grande première. D’autant que l’an 2000 était un mythe, un passage symbolique pour l’humanité, j’avais l’impression de quelque chose de très solennel. On a vécu un moment extraordinaire. J’étais vraiment impressionné. Je n’aurais jamais imaginé que ça puisse réussir. C’était très osé, car nous sommes partis de rien devant ces centaines de personnes qui devaient apprendre des chansons à plusieurs voix dans une langue qu’elles ne connaissaient pas, le wolof. J’étais sur scène avec mes musiciens, les Voisins s’étaient dispersés dans la salle par petits groupes. Et petit à petit, la magie a opéré. À la sortie, les gens étaient émerveillés par l’expérience qu’ils venaient de vivre. La plupart n’avaient jamais osé chanter. Là, effet de groupe aidant, tout le monde pouvait se déployer sur ces mélodies venues d’ailleurs, des mélodies évocatrices et qui rassemblent. Il y avait beaucoup d’empathie entre les gens. On avait l’impression que le monde avait trouvé une cohésion, c’était fusionnel, c’était exceptionnel.»
Un beau pied de nez à ceux qui imaginaient un an 2000 glacial et déshumanisé. MARS 2001 : L’OPÉRETTE
IMAGINAIRE AUX BOUFFES
DU NORD
En 1998, l’actrice et metteur en scène Claude Buchwald monte l’Opérette Imaginaire, de Valère Novarina. Le texte prévoit l’intervention d’un groupe de chanteurs à la manière d’un choeur antique. Trois chorales parisiennes sont invitées à jouer ce rôle alternativement, au nombre desquelles les Voisins. Pour Patrick Delage, comédien, c’est «un souvenir sublime. Les Bouffes du Nord, c’est le plus beau théâtre du monde. Une prof de chant formidable, Brigitte Mazère, avait fait travailler les volontaires pour les neuf dates prévues. Le spectacle était vraiment singulier, la langue de Novarina est très poétique mais assez barrée. On entrait en scène après une heure de spectacle, on patientait en dessous, dans la grande salle de répétitions qui sert également de loge. Pour moi c’était fabuleux, Peter Brook est là partout!» Frédérique Delage approuve : «C’était vraiment particulier d’arriver sur cette scène mythique, de chanter en réponse aux acteurs qui s’amusaient à nous déconcentrer. J’ai encore les répliques qui me reviennent en mémoire: “Nous ne sommes pas revêtus d’oripeaux, nous sommes vêtus de nos peaux. Nous sommes au monde mais nous ne sommes pas du monde. Nous sommes les véritables hommes qui hommons.”»
Singulier, c’est le mot. 2002-2003 : LE SENTIER
DES HALLES
Le Sentier des Halles, pour les Voisins, c’est un peu la Gaîté bis. Entre 2002 et 2003, ils s’y sont produits une bonne trentaine de fois. Le spectacle est alors plus classique, avec une succession de chansons et un seul «atelier», où le public apprend l’une d’entre elles. Classique, mais quand même sans excès: c’est au Sentier que, pour faire honneur à leur réputation de meilleurs chanteurs de salle de bain du monde, les Voisins adoptent pour un temps une tenue de scène inédite, le peignoir éponge. Particularité de cette salle, la scène est minuscule: au-delà de quinze choristes, on se marche sur les pieds. Trous de mémoire et notes image non disponible

image non disponible approximatives interdits! Un atout aux yeux de Stéphanie Blanc : «On a travaillé avec beaucoup de soin sur la musique et sur le chant et il y avait une unité musicale très intéressante.» Pour certains choristes, comme Stéphanie Prot, c’est l’occasion d’expériences inédites. «Il y avait une chanson où je commençais en solo et je continuais à chanter seule la voix lead jusqu’à la fin. Je ne sentais plus mes jambes, j’avais l’impression que j’allais m’effondrer. On pouvait aussi proposer des reprises et j’avais chanté en duo avec Patrick Delage une chanson des VRP. Sur le moment, tu te maudis, tu te demandes ce qui t’a pris. Mais une fois que tu as bien traqué, que tu es sorti de scène et que ça s’est bien passé, tu ressens une satisfaction énorme.» Promis, la chorale n’y est pour rien, mais la salle est alors en grandes difficultés financières. En juin 2003, une soirée de soutien est organisée au Casino de Paris. Les Voisins et leur «approche révolutionnaire de la chorale», selon Le Parisien du jour, y côtoient Bénabar, Sanseverino, La Tordue ou encore Les Têtes raides au cours d’une soirée animée par Claude Nougaro qui vit alors son dernier été. NOVEMBRE 2002 :
VOYAGE À BARCELONE
C’est le genre d’offre qui ne se refuse pas. Un responsable de la banque Caixa a tant apprécié le spectacle des Voisins au Sentier des Halles qu’il leur a proposé de donner deux concerts à Barcelone, tous frais payés ! «Une grande réussite, aux yeux de Liliane Robert. J’ai visité la ville avec des Voisins que je ne fréquentais pas auparavant, les groupes se sont mélangés, l’ambiance était formidable. Quant aux concerts, même si nous avons chanté en français, à part Bal moderne dont nous avions appris une version catalane, ça n’a posé aucun problème tant Jean-Marie a le chic pour séduire le public.» Enthousiasme partagé par Florent Chevolleauet Clôdine Couzinié : «Quand on se déplace, les gens communiquent dix fois plus. Barcelone a resserré des liens distendus. Et en concert, on s’est régalés. À cette époque-là, chaque fois qu’on finissait par Bal moderne, je dansais un rock acrobatique avec Arnaud, un grand beau type qui chantait bien et qui bougeait de manière magnifique. Mes amis catalans dans le public étaient soufflés. J’avais quand même 65 ans!» OCTOBRE 2004 : LES 10 ANS
AU CASINO DE PARIS
En octobre 2004, les Voisins fêtent leurs 10 ans dans un cadre à la mesure de l’événement : le Casino de Paris. Le spectacle est ambitieux, faisant place à des interventions de professionnels (Mathilda May, Antoine, Vincent Baguian). Le grand escalier qui dort dans une remise depuis des années est même ressorti pour l’occasion. Le côté potache n’est pas pour autant occulté : quand le rideau s’ouvre, les vedettes d’un soir sont alignées sur l’escalier en peignoirs multicolores et Vincent Mouluquet, qui joue les Monsieur Loyal, alterne charlotte sur la tête, perruque en pétard et déguisement d’ours. C’est Philippe Quillet, professionnel du théâtre, qui assure la mise en scène. «C’est un souvenir magnifique. Avec des amateurs, il ne faut pas arriver brutalement

Philippe Quillet est régisseur lumière et scénographe. Au début des années 2000, il tâte un peu de mise en scène mais se lasse rapidement de «devoir gérer les problèmes d’ego des acteurs». En 2003, il prend en charge la lumière et la scénographie de “Créatures”, une comédie musicale d’Alexandre Bonstein saluée par la critique. C’est à cette époque qu’il est contacté par Jean-Marie Leau pour mettre en scène le spectacle monté, à l’occasion des 10 ans des Voisins du dessus, au Casino de Paris.

Dix ans après la Nuit de la voix, les Voisins reviennent à L’Olympia, en décembre 2008, en tant que choristes d’Henri Dès. L’occasion de participer à un spectacle «pro», équipe de techniciens au complet et machinerie parfaitement rôdée à la clé. «Henri Dès m’avait assigné le rôle de la grand-mère, il est venu me prendre par la main. J’étais supposée me trémousser sur une chanson qui dit : on a d’mandé à grand-mère, elle a dit en riant, que pour bouger son derrière, elle n’a plus vingt ans !» sourit Liliane Robert. Chez Françoise Angeli, le souvenir du trac est encore bien présent : «J’avais une boule d’émotion qui me paralysait, une petite voix qui me disait “tu es qui, pour chanter à l’Olympia ?” L’espace d’une seconde, aucun son n’est sorti. Mais l’avantage du chant choral, c’est que, dans ces cas-là, les autres assurent !»

avec ses propres envies mais savoir ce qui est possible et s’y adapter. C’est ce que j’ai fait avec bonheur, car je sentais un désir individuel et collectif énorme, une envie de s’investir jamais prise en défaut. Tous étaient reliés de façon très forte par un attachement à cette entreprise, un enthousiasme rafraîchissant. Ils étaient partants pour tout ce que je leur proposais. Pourtant ça leur demandait beaucoup de travail car leurs compétences étaient inégales, ils étaient plus ou moins bien dans leur corps. Mais on sentait une envie de prendre un risque, de franchir un pas, de se dépasser. Bien sûr, entre ce qu’on imagine au départ et ce qu’on obtient à l’arrivée, il y a forcément un écart. Mais ça fait complètement partie du jeu, cette fragilité que tout le monde accepte, et qui fait que c’est humain, c’est sensible, c’est plein

d’affection. Il y a un capital d’amitié énorme visà-vis des Voisins. On sent tellement cette envie, ce désir, qu’on a envie de les aimer. En tout cas, moi, je les ai beaucoup aimés.» JANVIER 2009 : SOIRÉE
DES ENFOIRÉS À BERCY
Qu’il participe à des mini-concerts en province ou à des séances d’enregistrement des albums, depuis bien des années Jean-Marie Leau collabore aux activités des Enfoirés. Quand, en amont de la soirée annuelle de 2009, naît l’idée de faire intervenir une chorale, les organisateurs n’hésitent pas longtemps. Et Jean-Marie non plus : «Moi qui cherche à rapprocher amateurs et professionnels, lorsque Les Enfoirés nous ont proposé de participer à cette soirée et d’enregistrer le clip où se mêlaient vedettes, Voisins et bénévoles des Restos du coeur, j’ai vécu ça comme une bénédiction.» Au programme, une chanson interprétée en compagnie de Catherine Lara, Christophe Maé, Michael Jones et Maurane puis le final qui réunit tous les artistes de la soirée et des dizaines de bénévoles. Les soixante choristes qui ont la chance d’être conviés sont sur un petit nuage. Nancy Cuyeu : «On a chanté six soirs de suite, tout en continuant à exercer nos métiers respectifs, on se couchait à 2 ou 3 heures du matin en

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faisant des bonds, c’était super-excitant. Pendant que les différents artistes chantaient, nous attendions des heures, j’ai même dansé dans la fosse avec Jean-Louis Aubert !» Ah, côtoyer les artistes ! Faire un baby-foot avec MC Solaar, le plus accessible de tous. Ou s’amuser à observer les stratégies d’approche de Patrick Bruel, manifestement très attiré par une choriste… Incontestablement, ça fait partie du charme de ces soirées ! Mais tout contribue à ce que les Voisins reçoivent cette expérience comme «un vrai cadeau, quelque chose d’exceptionnel que tu ne vis qu’une fois, selon Laurence Biron. Être à Bercy, voir l’envers du décor, ces petites fourmis qui courent partout et chanter l’hymne des Enfoirés à l’unisson avec les artistes, les bénévoles et 15 000 spectateurs, c’est un souvenir inoubliable.»

Producteur du spectacle, Robert Goldman se souvient, pour sa part, d’un joli moment volé aux nécessités trépidantes du show-biz. «Le soir du dernier show, le lundi, il y a toujours une décompression sensible de la part des artistes et de toute l’équipe, car c’est quand même un vrai challenge à chaque fois. C’est ce moment qu’ont choisi les Voisins pour donner un mini-concert de remerciement, d’une dizaine de minutes, dans le couloir qui mène à la scène. J’ai ce souvenir des choristes qui chantaient et des artistes qui étaient là à les écouter : Jean-Jacques, Garou ou encore Patrick Fiori. C’était très attendrissant.»

2009-2010 : CHORALISSIME
À L’EUROPÉEN
Quinze ans après la naissance des Voisins, l’envie de nouveauté se fait sentir. Jean-Marie Leau demande à un metteur en scène, Yves Carlevaris, d’imaginer un spectacle racontant une histoire, un fil conducteur faisant le lien entre les chansons. Une quinzaine de choristes assure l’intégralité du spectacle, les autres se contentant de chanter au moment voulu. «Jean-Marie voulait réunir un petit groupe de gens extrêmement disponibles – d’ailleurs on a beaucoup travaillé – et à qui on peut demander un peu plus que “tu te mets là et tu chantes”», explique Patrick Delage. L’idée de sélection fait grincer des dents dans une chorale dont l’un des fondements est justement l’accueil de tous. Quant au rendu du spectacle, il est diversement apprécié. «C’était intéressant de changer un peu, d’expérimenter un nouveau rythme, théâtralisé. Pour nous c’était une expérience amusante», reprend Patrick Delage. Beaucoup d’autres sont moins enthousiastes, regrettant l’autoritarisme du metteur en scène, sa propension à se mettre en vedette et une forme d’humour teigneux peu compatible avec l’état d’esprit des Voisins. «Le spectacle portait bien son nom, car son intérêt était de décliner toute la palette de styles que maîtrise la chorale, des chansons de pure variété aux chants traditionnels russes en passant par des morceaux dansants ou d’esprit comédie musicale, souligne Pierre Bougier. Malgré tout, de l’avis de beaucoup, ce n’est pas à renouveler.»

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