Ecoutez la
différence
Ecoutez la
différence
Répertoire original,
voix entremêlées, musiciens live :
un concert des Voisins, c’est
quelque chose d’inouï !
«Quand on me demande ce que je chante à la chorale, je suis embarrassée pour répondre, je commence par dire ce qu’on ne chante pas», remarque Stéphanie Prot. Pas de classique, pas de gospel, pas de world music, pas non plus ces quelques morceaux incontournables si fidèlement repris par des centaines de chorales qu’on peut difficilement les qualifier de variétés. Non, les Voisins ont un répertoire bien à eux. À l’origine, il était censé réunir un tiers de créations, un tiers de reprises, un tiers d’adaptations. Mais comme le chef de choeur n’est pas du genre regardant sur la grosseur des tiers,
les premières se taillent aujourd’hui la part
du lion.
Jean-Marie Leau écrit et compose la
majorité d’entre elles, mais d’autres Voisins
ou des «compagnons de route» – François Bernheim (photo), Marie-Florence Gros,
Vincent Baguian, Gildas Thomas, Olivier
Dague, Stephan Di Bernardo avec Stéphanie Blanc, pour ne citer qu’eux – ont largement
enrichi le fonds en offrant nombre de
chansons originales à la chorale.
«Le répertoire a beaucoup évolué, constate
Séverine Vincent. Les chansons du premier
album, ce sont essentiellement des classiques de
la Renaissance et des reprises dans une tonalité
assez grave. Mais, au fil du temps, ça a dévié
vers des choses plus fantaisistes. C’était la
volonté de la plupart des choristes: chanter des
bêtises rigolotes avait quelque chose de plus
amusant.» Pour autant, le répertoire est loin
de se réduire aux bêtises rigolotes. «Ce que
j’apprécie c’est son éclectisme, résume Frédéric Rebet, qui a produit un des albums. C’est, non
pas de bric et de broc, mais ça n’est pas calculé,
pas malin, pas recherchant un succès, ou un
effet. Il y a des choses touchantes et des choses
espiègles, une diversité qu’on n’attendrait pas
d’une chorale classique, avec un côté jubilatoire
qui fait que ça plaît au public.»
Lors d’un même concert, on peut se
laisser surprendre par des morceaux
totalement loufoques
ou sublimes
, en passant par des chansons joyeuses
ou plus graves
, facétieuses
ou poignantes
, un peu scoutes
ou faussement misanthropes
, hommages à la tradition
ou clins d’oeil à l’époque
. On y croise de drôles d’objets nostalgiques
(montre (in)capable de rattraper le temps
en fuite ou tourne-disques
qui ne tourne plus rond), des
créatures semblant tout droit sorties du
chapeau de Charles Trenet (une cigale lisant
le journal ou un petit garçon certain de
devenir éléphant), on y parle de la vie, de
l’amour et de la mort, mais toujours avec
légèreté; on assume être zinzin et avoir
couché pour arriver sur scène avec une
bonne dose d’autodérision.
Quant aux reprises, il s’agit pour la plupart
de morceaux méconnus, surtout quand la
chorale s’aventure à chanter en russe, en
basque ou en wolof.
S’ils ne le sont pas, ils deviennent souvent
méconnaissables grâce au talent d’arrangeur de Jean-Marie Leau. «Globalement les chansons ont un intérêt avant tout musical parce que vocal. Jean-Marie fait des arrangements très bien adaptés au chant choral, il est doué pour ça, il a des trouvailles toujours efficaces», juge Olivier Dague, tandis qu’Élie Abécéra se souvient de «frissons à l’écoute d’arrangements géniaux imaginés par Jean-Marie». Un constat qui fait l’unanimité et qui sans doute contribue à ce que tant de choristes prennent plaisir à interpréter ces chansons tout en se défendant d’en écouter du même genre. Ainsi, Florent Chevolleau: «Ce registre, c’est pas ma came. Mais j’apprécie que ce soit un répertoire original et ce qui m’intéresse aussi c’est le travail musical, le fait qu’il y ait plusieurs voix, des harmonies, des choses vraiment intéressantes sur la rythmique.» Clôdine Couzinié, elle, est friande de chanson française, mais pas n’importe laquelle. «Comme je n’avais jamais chanté que des chansons à texte, très bien écrites, au début j’ai vraiment tiqué devant certains morceaux. Quand tu vois des paroles comme celles de Même pas mal, les bras t’en tombent. Mais une fois mises en musique, arrangées sur plusieurs voix, bien accompagnées, on peut prendre plaisir à les chanter et ça fonctionne auprès du public qui, lui, n’a pas d’a priori. Idem pour Méli-mélo, ce morceau à quatre voix où tout le monde chante en même temps des textes différents. On s’est tous dit: “Qu’est-ce que c’est que ce truc? On va jamais y arriver!” C’est un des talents de Jean-Marie de savoir que ça pourra donner quelque chose et être apprécié.»
Toutes les chansons des
Voisins sont harmonisées pour
être chantées à deux, trois,
quatre ou cinq voix. Mais la
vraie originalité par rapport à
la plupart des choeurs, c’est
que l’appartenance à tel ou tel
pupitre n’est pas figée. On
n’est pas soprano, alto, ténor,
ou basse une fois pour toutes.
Pour chaque chanson, chaque
choriste choisit la voix qui lui
plaît et qu’il interprète à
l’octave qui lui convient le
mieux. «Le fait de pouvoir
chanter dans n’importe quel
pupitre à n’importe quelle
octave est institué depuis le
départ, précise Séverine Vincent. Quand on enregistrait
les maquettes avec Jean-
Marie et Laurence Tordjman,
on chantait tous les trois
toutes les voix. On s’est rendu
compte que ce mélange
donnait une couleur qu’on
n’avait pas dans les autres
chorales.» Un plus pour
l’auditeur mais aussi pour les
choristes qui peuvent chanter
là où ils se sentent le plus à
l’aise et même apprendre
plusieurs voix au fil des ans
pour échapper à la routine.
Autre vraie singularité des
Voisins : ils ont la chance de
répéter et de se produire avec
des musiciens professionnels,
aujourd’hui Jean-Marie Leau (piano et/ou guitare),
Stéphanie Blanc (guitare) et
Jérôme Levatois (guitare
et/ou percussions).
«L’harmonisation à plusieurs
voix avec des gens qui
chantent à différentes octaves
rend l’accompagnement
musical presque
indispensable parce que
sinon, on n’entend pas la
structure harmonique»,
explique Stéphanie Blanc.
On ne demande qu’à la croire. Pour les choristes et les spectateurs, c’est surtout un grand plaisir. Utile et agréable, en somme.